La revanche
Ça fait un certain temps que je n’ai rien posté sur ce blog. On peut même le dire que ça sent la poussière par ici. Il faut croire que j’ai été occupée ces dernières années, occupée à faire des choses au lieu de trop penser à ma peau. Et il faut croire que ça a marché. Pendant un certain temps.
Depuis mon dernier post j’ai vécu à Paris, fait du théâtre, arrêté, galéré à trouver un autre voie, trouvé une autre voie, galéré encore un peu et j’ai déménagé au Pays de Galles, là-bas au Royaume Uni. Entre-temps j’ai eu le temps d’apprendre de nouveaux mots en Français : eczéma, érythrodermie ichthyosiforme, Protopic par exemple. Et j’ai aussi appris plein de nouveaux mots en anglais, parce qu’il faut bien pouvoir expliquer ces choses-là à son médecin généraliste à Cardiff.
Pendant longtemps j’ai pensé que ma peau et moi on avait atteint une sorte d’équilibre, qu’on s’entendait pas trop mal. Je prenais du soriatane sans trop réfléchir, 30mg par jour, je me mettais de la crème, dexeryl et crème émolliente, et je me ponçais la peau religieusement, tous les jours, de haut en bas, parce que c’étais bien la seule manière que j’avais trouvé d’accepter de montrer ma peau. Et ça marchait pas trop mal. À part les remarques sur mon visage rouge dans le métro, les gens que je rencontrais me disaient que mon ichtyose n’était pas la première chose qu’ils remarquaient chez moi.
Génial, non ? Une espèce de victoire énorme sur la maladie.
Prends ça l’ichtyose ! Personne ne te remarque !
Et ma peau a enduré tout ça, pendant des années, sans rien dire.
Enfin presque.
J’ai jamais bien géré le stress, ce qui peut se manifester de pleins de façons différentes (mon corps est très créatif) et un beau jour j’ai découvert l’eczéma. Ça a commencé par une grosse crise après un gros stress et puis c’est jamais vraiment parti. Ça revenais de manière régulière, sans que ça ne me fasse changer mes habitudes. Crème à la cortisone et puis voilà. Tant pis pour les veines éclatées et la peau qui s’affine.
Jusqu’à l’été dernier.
L’été dernier, ma peau s’est vengée.
Ça a commencé comme une crise d’eczéma normale, une grand coup de stress lié au boulot et Bim ! des plaques aux endroits habituels, creux des coudes, sous les bras, sous les seins (les plaques d’eczéma sous les seins ou comment le simple fait de s’habiller le matin peut devenir un cauchemar)… Comme d’habitude, crème à la cortisone, easy ! Sauf que je suis tombé à court et qu’il a fallu que j’aille voir mon généraliste (je serais bien allé voir mon dermato mais au Royaume Uni il faut faire une demande de RDV et ensuite attendre 10 mois en avoir un, à ce moment-là, j’en étais qu’à mon 9e mois d’attente) qui a pensé que ce serait une bonne idée de me mettre sous cortisone par voie orale pendant 5 jours. Et c’était une super bonne idée ! En deux jours tout était parti, comme par magie. Sauf que le lendemain de mon dernier jour de traitement tout est revenu, bien sûr.
Et, si il y a bien une chose qui peut me faire paniquer comme jamais, c’est une crise d’eczéma. Je ne sais pas pourquoi je réagis comme ça mais j’ai toujours l’impression que ça ne va pas s’arrêter, que l’inflammation ne va jamais s’arrêter et ça me terrifie, littéralement. Donc une crise d’eczéma qui repart, c’est la garantie de panique à l’état pure.
Me voilà donc de retour chez mon généraliste, pas trop bien dans ma peau, et faisant face à un nouveau médecin n’ayant jamais vu une ichtyose de sa vie. Elle a passé environ 10 minutes à me dire « Mais vous êtes rouge ! Ah oui vous êtes très très rouge ! Ah non mais là vous êtes rouge ! », ne faisant pas de distinction entre mon ichtyose et les plaques d’eczéma, persuadé que j’étais couverte de plaques des pieds à la tête (ce qui n’était pas le cas évidemment). Après m’avoir dit encore une ou deux fois que j’étais vraiment très rouge elle a décidé que le mieux pour moi serait de partir aux urgences. Comme son approche finement psychologique m’avait vraiment rassuré j’ai connement accepté. Après 7 heures aux urgences, le médecin qui m’a reçu et à qui j’ai parlé de mon ichtyose et de mon eczéma et qui devait avoir 22 ans maximum, m’a annoncé qu’il n’y avait pas de dermatologue dans cet hôpital, qu’ils avaient décidé de m’hospitaliser pour déshydratation et me mettre sous perfusion, et que peut-être je verrais un dermatologue d’ici trois jours. J’aurais bien ris mais, après 7 heures d’attente dans un service débordé j’avais atteint la phase « je me mets à pleurer dès que j’essaye de parler » donc je n’ai pas pu. À la place je suis partie.
Le lendemain j’ai pris un avion pour la France, retour chez mes parents et RDV chez un dermato spécialisé en eczéma. La première chose qu’il m’a dit c’est que ce n’était pas de l’eczéma.
Juste de l’ichtyose.
C’est là que j’ai appris les mots érythrodermie ichtyosiforme.
C’est des mots assez laids.
C’est mon ichtyose et ça veut dire « peau inflammée et très sèche ». Donc mon eczéma c’est juste mon ichtyose qui est pas contente. C’est juste ma peau qui me dit « Tu sais où tu peux te le mettre ton équilibre ? », c’est ma peau qui se venge. J’imagine bien que c’est un peu plus compliqué que ça mais honnêtement, ça me paraît être une bonne explication.
Donc me voilà avec mon eczéma qui n’en est pas et mon stress et ma panique et tout et tout. Et là le dermato me dit qu’il faut que j’essaye une nouvelle crème géniale qui s’appelle Protopic. Et je crois que c’est là que la vengeance de ma peau a atteint son apogée. Parce que c’est vrai que le protopic n’a pas les effets secondaires de la crème à la cortisone, mais quand on l’utilise il faut juste plus s’exposer au soleil du tout (nous étions donc en été, chez mes parents, dans le Sud de la France). Et aussi, cette crème géniale rend la peau hyper sensible au chaud et au froid : poser les pieds sur un carrelage froid les engourdissait comme si j’étais sortie pieds nus en plein hiver, me laver les mains à l’eau froide avait le même effet sur mes mains. La nuit, la chaleur dégagée par mon cou en contact avec l’oreiller me paraissait insupportable, et autres joyeusetés du même genre. Ah oui et le meilleur : quand on applique le protopic sur les plaques, les deux premiers jours ça donne l’impression que la crise est passée en puissance 10, ça défonce la gueule, ça donne envie de mourir tellement ça intensifie les démangeaisons et tellement porter des vêtements est l’équivalent de l’enfer sur terre. Après ça se calme.
Autant être claire : je n’ai pas passé un très bon été.
Depuis, j’ai finalement eu mon RDV dermato au Royaume Uni, mon dermato m’a envoyé à la clinique dermatologique pour y être suivie plus régulièrement, j’ai arrêté le protopic, j’ai passé un mois à me faire enduire de crème à la cortisone des pieds à la tête et recouvrir de bandages tous les jours avant d’aller travailler (aller travailler en bandages c’est un peu la joie à l’état pur), j’ai fait face à des infirmières qui m’on très justement fait remarquer que j’étais quand même très sèche (oui oui…), et très rouge (aussi oui…), j’ai été autorisé à continué à me tartiner me crème à la cortisone chez moi sans bandages, on m’a conseillé de réduire la cortisone, les plaques sont revenues, on m’a conseillé de continuer la cortisone, j’ai décidé que comme mon contrat se terminait de toute façon il vaudrait peut être mieux rentrer en France pour de bon.
Aujourd’hui ma « crise d’eczéma » qui a commencé fin Juin n’est toujours pas vraiment terminée, elle essaye de repartir mais je crois que je la contrôle mieux. J’ai quasiment arrêté de mon poncer, j’ai baissé ma dose de soriatane avec pour objectif d’arrêter bientôt complètement, et le soir je me tartine copieusement tout le corps de baume émollient très très très gras avant de m’envelopper de vêtements collants, pour être sûre que ma peau est contente et bien hydratée. Ça durera le temps que ça durera, mais en attendant ça a l’air de rendre ma peau plus heureuse. En attendant de retrouver un équilibre…